Tableau de bord 2015 : faire passer la société des paroles aux actes en matière de végétal
L'analyse annuelle de la filière met chaque fois un peu plus en avant un paradoxe : nous n'avons jamais autant plébiscité le végétal dans les discours, mais le marché continue de reculer. La révolution verte n'est pour demain que si nous arrivons à inciter chaque citoyen à se créer un environnement végétal.
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Comment un produit dont tout le monde parle, qui orne tous les projets futuristes des architectes travaillant sur les immeubles et la ville de demain, que les citoyens réclament toujours davantage aux collectivités, peut-il voir ses ventes au mieux stagner, voire régresser ? Comment peut-il y avoir un tel décalage entre le discours et l'action ? Les dernières années ont amené quelques pistes de réflexion sur le sujet. Dans les espaces verts, la végétation spontanée, voire la friche, sont parfois préférées aux plantations horticoles. Chez les particuliers, les échanges ont le vent en poupe. Cette année a apporté de nouvelles orientations. Lors d'une conférence proposée durant le dernier Salon du végétal, à Angers (49), notre confrère Patrick Mioulane affirmait que les gens veulent du vert, mais pas forcément le posséder (le Lien horticole n° 920 du 11 mars 2015), ni d'ailleurs l'entretenir. Tout comme les jeunes générations deviennent moins accros à la voiture, préférant louer au coup par coup en fonction de leurs besoins des véhicules en autopartage ou de particulier à particulier, ils pourraient louer le service des végétaux lorsqu'ils éprouvent une envie de nature. Pour des citoyens de plus en plus urbains, cela revient à se rendre dans un parc public plutôt que de disposer de leur propre jardin. Le bénéfice du jardin sans les contraintes. Pour s'y promener, rencontrer des amis, écouter de la musique, travailler, pique-niquer et on en passe.
Rassurer certains clients pour les reconquérir et en refaire des jardiniers
Toutes ces tendances s'affirment depuis plus ou moins longtemps, mais peinent à convaincre qu'elles peuvent, à elles seules, expliquer l'érosion du marché. Les jeunes ont toujours majoritairement habité en appartement, sans disposer d'un jardin au cours de ces années. Quant aux jardiniers, ils n'ont pas attendu l'arrivée d'internet pour s'échanger des plantes !
Le faisceau de présomption qui permettra de trouver le responsable de la situation désagréable dans laquelle se trouve la filière doit certainement être étendu. Le signal relatif au prix doit peut-être faire l'objet d'approfondissements. Autant la filière peut avoir tendance à brader certains produits à vil prix, autant le coefficient de marge appliqué par le secteur de la distribution peut vite se révéler repoussant pour les jeunes publics peu argentés. Une autre réflexion va devoir être menée sur le sentiment d'échec que l'on sent de plus en plus présent chez des consommateurs qui ont, pour beaucoup, perdu toute notion de savoir-faire horticole. Ils ne savent plus comment arroser, tailler ou rempoter. Pour eux, plutôt que des produits parfois trop fragiles et hyper marketés pour favoriser le coup de coeur, il faudrait se tourner vers des « increvables » capables de redonner confiance au jardinier occasionnel.
Mener des réflexions à tous les étages de la filière avant d'agir concrètement
Des réflexions doivent également être menées au niveau du commerce. Le consommateur est aujourd'hui en attente d'idées d'utilisations et d'associations des plantes qu'il ne trouve encore que dans de trop rares magasins. On sait aussi que, de plus en plus, des services devront accompagner le produit, qu'il faudra rendre nos végétaux plus faciles à être utilisés au quatrième étage d'un immeuble pas forcément doté d'un ascenseur... La production ne peut pas non plus s'affranchir de sa part de réflexion. Sur la gamme, tout d'abord, qui constitue un point sur lequel des efforts restent à faire pour conquérir des marchés où les clients ont encore du mal à trouver les produits. Sur la facilité avec laquelle ils mettent leur gamme à la disposition de la clientèle, en avançant moins atomisés sur les gros marchés. Le paysage peut aussi s'interroger sur ses pratiques : est-ce que le végétal est toujours valorisé comme il le devrait dans les aménagements, sachant que, moins cher qu'un beau revêtement de sol, il offre une marge moins juteuse... Enfin, notre métier doit faire sa promotion collective comme la plupart des professions agricoles ont su le faire jusqu'ici. Une campagne va débuter à la télévision au printemps prochain pour une durée de trois ans (voir ci-contre l'interview de Benoît Ganem). Elle a fait l'unanimité des familles professionnelles réunies au sein de Val'hor. D'autres actions sont réalisées au niveau national, mais elles ne doivent pas occulter ce que chaque professionnel peut faire à son échelle pour mettre en avant le végétal dans sa sphère d'influence. Le passage de l'ère des mots à celle des pots est à ce prix.
DOSSIER RÉALISÉ PAR PASCAL FAYOLLE
Les points de vente ont largement amélioré l'attractivité du produit dans les rayons. Mais il reste beaucoup à faire en matière de services offerts autour du végétal. PHOTO : ODILE MAILLARD
Les producteurs font des efforts pour se regrouper et perfectionner leur efficacité commerciale. Ils devront toutefois être renforcés. PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
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